la Princesse de Clèves, extrait 2


E.L.2 La rencontre au bal du Louvre

Partie I, p.     -       

  

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       Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu'elle arriva, l'on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec Monsieur de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu'un qui entrait, et à qui on faisait place. Madame de Clèves acheva de danser et, pendant qu'elle cherchait des yeux quelqu'un qu'elle avait dessein de prendre, le Roi lui cria de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna et vit un homme qu'elle crut d'abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l'on dansait. Ce prince était fait d'une sorte qu'il parut difficile de n'être pas surprise de le voir quand on ne l'avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu'il avait pris de se parer augmentait encore l'air brillant qui était dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement. Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu'il fut proche d'elle, et qu'elle lui fit la révérence, il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s'éleva dans la salle un murmure de louanges. Le Roi et les Reines se souvinrent qu'ils ne s'étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini, sans leur laisser le loisir de parler à personne, et leur demandèrent s'ils n'avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s'ils ne s'en doutaient point.

- Pour moi, Madame, dit Monsieur de Nemours, je n'ai pas d'incertitude ; mais comme Madame de Clèves n'a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j'ai pour la reconnaître, je voudrais que votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.

- Je crois, dit Madame La Dauphine, qu'elle le sait aussi bien que vous savez le sien.

- Je vous assure, Madame, reprit Madame de Clèves qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.

- Vous devinez fort bien, répondit Madame la Dauphine ; et il y a même quelque chose d'obligeant pour Monsieur de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez déjà sans l'avoir jamais vu.  

    [La reine les interrompit pour faire continuer le bal; M. de Nemours prit la reine dauphine. Cette princesse était d'une parfaite beauté et avait paru telle aux yeux de M. de Nemours avant qu'il allât en Flandre; mais, de tout le soir, il ne put admirer que Mme de Clèves.]



Pistes d’analyse: les regards/ points de vue/ présence de la fatalité/ coup de foudre/ théâtralisation


Questions préliminaires:

  • comparer cette rencontre avec celle du PDC chez le joailler 

  • Précisez le lieu et le contexte de chaque rencontre: commentez le rôle qu’ils jouent

  • étudiez le déroulement

  • étudiez et commentez les points de vue adoptés



INTRODUCTION

  • Pstation du texte

-Situer et pster l’extrait “brièvement”

2nde rencontre, à la fois symétrique et opposée à la première (Mlle de Chartres et le PDC)

bal à la Cour, au Louvre, fiançailles princesse royale

  • LECTURE EXPRESSIVE               /2 points

  • [Mouvements du texte:4 grands mouvements (cf plus bas)

  • Enjeux de l’explication(?)]: Comment se mélangent l’intime et le jeu social dans ce récit de coup de foudre?/ Ct les figures royales incarnent-elle le destin et la fatalité à l’oeuvre dans les destins de ces deux personnages?/ Ct le jeu des points de vue permet de mettre en avant l’aspect théâtral de cette rencontre ainsi que de comprendre les enjeux sociaux d’un coup de foudre?


ANALYSE LINÉAIRE:


1/ Installation de la situation: préparation et arrivée au bal du Louvre

l 1 à 3 , du début  à “le bal commença”

  • Permet de poser le cadre “fiançailles” de la dauphine, lieu= “le Louvre”, situation = “bal” = topos littéraire et rappel à la fois de la pstation de la PDC et de l’univers du conte

  • Arrivée = mention encore une fois de sa beauté extraordinaire et sa richesse (“admira” sa beauté et sa parure) mais mention assez rapide, pas de détails, pas de description détaillée. Rapidité de la mise en situation accentuée par phrases courtes et emploi du PS “arriva/ “admira”/”le bal commença” (employé pour marquer l’enchainement des étapes).

  • équivalent d’une situation initiale de conte: mise en place de la situation, économie de moyens, équilibre MAIS qui va bien entendu être rompu


2/ L’arrivée théâtrale du duc de Nemours et la rencontre

 l 3 à 14 , de “et comme elle dansait avec le duc de Guise“   à  “donner des marques de son admiration

= équivalent de l’élément perturbateur, ce qui fait démarrer l’action

  • d’abord c’est le bruit qui l’annonce: l’attention puis les regards se décentrent vers l’entrée (“la porte de la salle”). Dramatisation de l’arrivée + effet d’attente (PDC ne le voit pas tout d’abord+ indéfini “quelqu’un” + la périphrase employée “celui qui arrivait”, c’est la foule qui l’annonce et le bruit mais pas nommé/ effet d’attente, curiosité du lecteur et p etre même de la PDC)

  • charisme et admiration exprimée par l’attitude à la fois de la foule et du personnage: “à qui l’on faisait place”, = respect et admiration / plus loin le DDN enfin nommé passe “par-dessus quelque siège” = désinvolture voire flamboyance du personnage qui fait une entrée remarquée

  • l8: le rôle décisif de la Cour, voire même des plus puissants (ici le roi puis la dauphine plus tard) : sorte de metteur en scène qui décide de l’évolution de l’intrigue: “le roi lui cria de prendre celui qui arrivait”. Le destin qui les mène l’un vers l’autre prend la forme du roi ici.

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  • 1er regard: mise en scène très visuelle “elle se tourna et vit un homme..”

Focalisation change: interne pdt quelques lignes, c’est la Pcesse qui regarde et perçoit ( verbe de la vue mais aussi de pensée “elle crut d’abord ne pouvoir être que M. de Nemours)

  • évidence de la rencontre et extraordinaire du personnage soulignés par la formulation de cette phrase: l’adverbe de temps “d’abord” se traduirait par d’emblée, immédiateté, assurance de l’avoir reconnu + tournure restrictive “ne...que” insiste aussi sur cette certitude de la PDC de l’avoir reconnu.

  • Description physique du DDN: pas de détails concrets mais insistance sur les réactions provoquées. Voc de la surprise, admiration: “difficile de n’être pas surprise”,”se parer”, “air brillant”, “étonnement”, “MDN fut tellement surpris”, “marques de son admiration”. portrait peu précis mais très laudatif. Expression très hyperbolique: termes laudatifs+ expression admiration + tournure intensive “tellement surpris… qu’il ne put s’empêcher de …”

  • leur complémentarité dans la “perfection” soulignée par le parallélisme l…” il était difficile de” /l … “ mais il était difficile aussi de voir MDC pour la 1ere fois sans en avoir un grand étonnement”

  • Sur toute cette rencontre plane cette idée de destin, de fatalité de leur coup de foudre: “il était difficile de”= mention d’une résistance inutile + “il ne put s’empêcher de”= plus maître de lui, une force supérieure semble présider leur rencontre


3/  Le spectacle vu et dirigé par les puissants

(jeu social mené par le roi et la dauphine)

 l 14 à27, de “ Quand ils commencèrent à danser “ à  la fin.

  • Nouvelle séquence: changement de point de vue, on passe du DDN au regard de la foule du bal: utilisation de formules impersonnelles “il s’éleva dans la salle un murmure de louanges”, exprime l’anonymat mais aussi l’unanimité des réactions, la foule ⇒ un personnage collectif

  • mention à nouveau du “roi et des reines” : discours narrativisé ils “se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus et trouvèrent[...] connaitre”==>à travers ces paroles rapportées on voit  les Grands, à la fois metteurs en scène et spectateurs, éprouvent un plaisir certain à observer cette rencontre dans laquelle ils jouent un rôle important

  • Un certain dirigisme se laisse deviner: “sans leur donner le loisir de” + paroles, questions fortement dirigées : voir interrogatives indirectes qui contiennent à la fois questions ET réponses semble-t-il. On veut leur faire dire qu’ils ont de la curiosité l’un envers l’autre et leur faire avouer ce que le lecteur sait déjà: ils se sont reconnus⇒ à la fois galanterie de ce dialogue qui se met en place mais aussi jeu mondain, social des intrigues et des alliances

  • Rois comme metteurs en scène de ce jeu mondain

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      -     Dialogue au discours direct vient compléter cette scène théâtrale (l): échange de compliments galants menés par l’intermédiaire de la reine dauphine

 - caractérisation par les paroles: Nemours ne craint pas l’aveu, joue le jeu de la galanterie sans peur ni crainte de sortir des bienséances: formulation directe “Je n’ai pas d’incertitude”= caractère franc, direct charismatique

PUIS galanterie puisque joue l’humilité en se plaçant comme inférieur à la PDC qui elle ne l’aurait pas reconnu : “Mme de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celle que j’ai pour la reconnaitre” 

-Dialogue indirect puisque ne s’adresse pas à elle directement, reste courtois et se met sous l’influence du roi “je voudrais bien que votre majesté. Perso à la fois galant, audacieux mais qui appartient pleinement à ce monde et en suit ses codes de courtoisies et de bonne éducation: multiplication des formules de politesse ( le conditionnel “je voudrais bien” + politesse “eût la bonté de”)

- rôle de la dauphine qui s’amuse à provoquer l’aveu de la PDC dans ses deux répliques/ parallélisme: “elle le sait aussi bien que vous savez le sien”. Devant la gêne de la PDC “embarrassée” elle insiste en montrant qu’elle ne la croit pas. Le lecteur aussi sait que cela est faux

-PDC discrète, embarrassée et soucieuse de garder ses pensées secrètes, respect de la bienséance, la vertu? ( PDC est récemment mariée)

- Rôle d’intrigante de la dauphine, soulevant l’implicite de ce dialogue et soulignant l’intérêt que la PDC exprime paradoxalement en niant reconnaitre le DDN: “ il y a même quelque chose d’obligeant pour monsieur de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez sans l’avoir jamais vu”. Se divertit de façon un peu cruelle de son embarras



CONCLUSION:

Récit d’un coup de foudre mais aussi dévié ou largement influencé par le jeu social

Mise en scène très visuelle et très théâtrale de cette rencontre qui souligne à la fois leur ressemblances ( beauté, caractère extraordinaire) et leurs différences (hardiesse, flamboyance contre pudeur, naïveté, embarras)

Souligne aussi le rôle crucial et cruel que jouera cette société dans laquelle ils vont évoluer entre convenances et intrigues, galanterie et morale. On sait déjà que ce coup de foudre s’inscrit sur de nombreuses contradictions qui constitueront autant d’obstacles à leur relation.


GRAMMAIRE: phrases à analyser

  • “ Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges” l.(PSCCT/ cause?)


  •  “Ils les appelèrent quand ils eurent fini” (PSCCT)

  •  “leur demandèrent s'ils n'avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s'ils ne s'en doutaient point.” (PS interro indirecte)

  • “Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, [...] il ne put s'empêcher de donner des marques de son admiration” (lien logique)



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