Espace et circularité dans Zazie


I - De la description et de l’illusion référentielle dans le livre et dans le film.

La description, dans un livre, a plusieurs fonctions :

-       elle sert à situer les événements dans un cadre spatiotemporel, facilitant la mentalisation géographique et temporelle de l’action.

-       elle peut servir le récit, avoir une fonction narrative, si le lieu décrit a une fonction dans le récit. Par exemple, Balzac exploite la pension Vauquer dans le Père Goriot, pour en faire un moteur narratif : les plus bas étages sont occupés par la catégorie sociale la plus aisée, et les combles sont réservées au gens les plus pauvres. La déchéance du père Goriot passe justement par le gravissement des étages, et l’ascension de Rastignac passe par le mouvement inverse.

-       elle sert, dans le cas d’un récit réaliste, à provoquer l’effet de réel, par son pouvoir référentiel. Ainsi, dans Zazie, tout lecteur reconnaît Paris, grâce aux lieux bien connus que l’on y retrouve : la tour Eiffel, les Invalides, le marché au puces.

Or, le cinéma peut se passer de passages descriptifs, puisqu’il plonge des personnages et le décor dans un même espace immédiatement visible : le plan.

C’est ce que dit Francis Vanoye (un nom à retenir : il s’agit de l’un des plus grands théoriciens de l’adaptation cinématographique d’œuvres littéraires) :

« Le mot (en tant que signe) désigne, l’image montre. Ce que jamais la succession de mots ne parvient à épuiser (par exemple les traits ou l’expression du visage ou les éléments d’un paysage), l’image donne à le voir d’emblée, immédiatement (…) » (Récit écrit, récit filmique, 1989)

C’est aussi ce que suggère André Gardie :

« Art de la représentation, le langage du cinéma est de nature spatiale : l’image mouvante est avant tout organisation mobile d’un espace bidimensionnel. Sans espace, point de cinéma. En effet, dès lors que le cinéma, grâce à l’image mouvante, donne à voir le monde diégétique, il ne peut le faire sans donner à voir, en même temps, l’espace constitutif de ce monde ».  (Le Récit filmique, 1993)

Dans son entreprise de destruction de l’illusion référentielle, Queneau a choisi de ne jamais se livrer à des descriptions exhaustives (ce qui peut le rapprocher, du Nouveau Roman). Comment Malle, qui en tant que cinéaste n’a pas d’autre choix que de montrer, a-t-il tenté de traduire cet aspect ?

 

Analyse d’extrait :

-       5’18 à 7’42 (extrait correspondant à un passage du chapitre 1 du livre).


Question 1.

Montrez que l’illusion référentielle est mise à mal dans cet extrait, et que la courte tirade de Gabriel, bien plus longue dans le film que dans le livre, ressemble davantage à une note d’intention du réalisateur qu’une une véritable réplique.

 

II - Zazie est-elle une iliade ou une odyssée ?

            A – Une iliade ? Une odyssée ?...

Selon Queneau, « toute grande œuvre est soit une Iliade, soit une Odyssée, les odyssées étant beaucoup plus nombreuses que les iliades : (…) Pantagurel, Don Quichotte, et naturellement Ulysse (…) sont des odyssées, c’est-à-dire des récits de temps pleins. Les iliades sont au contraire des recherches du temps perdu : devant Troie, sur une île déserte ou chez les Guermantes. » (Bâtons, chiffres et lettres).

Rappel :

-       l’Iliade conte le siège de Troie par les Grecs. Tout se déroule donc dans un même lieu. Même remarque pour Robinson Crusoë de Daniel Defoe. Ce genre de récit privilégie l’introspection des personnages, en quelque sorte prisonniers d’un seul lieu : eux-mêmes.

 

-       L’Odyssée conte le voyage d’Ulysse, de Troie jusqu’à son royaume d’Ithaque. C’est un récit de voyage, initiatique (Ulysse doit racheter sa faute originelle : il a insulté Poséidon – il tue son fils Polyphème le cyclope, et révèle au dieu son identité, par orgueil). Le voyage d’Ulysse est donc une quête, se déroulant dans de nombreux lieux, et donnant lieu à un apprentissage de l’humilité.

D’où notre question légitime : Zazie dans le métro serait-elle une iliade ou une odyssée ?

Pour répondre à cette question, nous pouvons nous pencher sur l’analyse de l’espace dans le livre et le film.

 

            B - Analyse du trajet de Zazie :

                                    Document extrait  de l'analyse de Zazie dans le métro, Raymond Queneau, Louis Malle
                                               (Ellipses, 2012), P.101

Question 2.    
En quoi peut-on dire que, globalement, le parcours de Zazie est circulaire ? Comment le film insiste-t-il sur ce point ? Pour répondre, pensez au générique.

 

            C - Les trajets et les mouvements dans Zazie : les thèmes de la circularité et de la répétition.

Analyse de séquence : 16’32 à 17’47


Question 3.

Comment les thèmes de l’interchangeabilité et de l’aspect « bidon » (faux) des personnages sont-ils figurés dans cette scène ?

 


Analyse de séquence : 27’31 à 32’48

Question  4.    
Retrouvez l’extrait du livre, au début du chapitre 5, qui est adapté dans cet extrait. Que remarquez-vous ? Comparez le nombre de ligne que lui consacre Queneau, et le nombre de minutes que lui consacre Malle.


Question 5.    
Quel procédé cinématographique traduit le style nerveux de Queneau ?

 

Question 6.  
Quels gags insistent sur l’aspect lacunaire (l’effet « trou spatial », ou d’ « ellipse spatiale ») de l’espace dans le film et le livre ? Combien de fois ce gag est-il répété ?

 

Question 7.
Quelle est la particularité du gros plan de Zazie, qui court, face à la caméra ? Quel effet cela produit-il, sur la perception de l’espace par le spectateur ? Combien de fois est-il répété ?

 

Question  8.
Comment les thèmes de l’interchangeabilité et de l’aspect « bidon » (faux) des personnages sont-ils figurés dans cette scène ? Relevez les scènes dans lesquelles les personnages se dédoublent.

Question 9.
Quels sont les deux plans qui disent presque explicitement que les personnages « tournent en rond » ?


Question 10.
Le gag de la photo : en quoi poursuit-il la réflexion sur l’absence d’épaisseur des personnages et sur le thème de la circularité ou de la répétition ?


Question 11.
Quels sont les différents « rôles » que joue Zazie dans cette scène ? En d’autres termes, en quoi ou en qui Zazie se transforme-t-elle l’espace de quelques secondes, dans plusieurs gags ? Qu’est-ce que cela nous apprend sur le personnage quenaldien ?

 

Question 12.
Relevez les passages dans lesquels Zazie court en zigzag. Relevez ensuite la phrase du chapitre 5 qui fait explicitement référence à cette manière de se déplacer. Enfin, rapprochez, comme Michel Bigot dans Zazie dans le métro de Raymond Queneau (1994), cette tendance au zigzag et le nom de l’héroïne.

 

Question  13.
Quel gag typiquement cartoonesque se répète dans cette séquence ?

 

Question  14.
Comparez le dernier plan de cet extrait avec celui de l’extrait précédent. Que remarquez-vous ?

 

Question 15.
Revoyez le premier extrait (16’32 à 17’47): quel gag est présent dans les deux extraits ? Pourquoi Malle insiste-il là-dessus ? Quel sens donner à ce gag récurrent ?

 

Analyse de séquence :1h 07’49 à 1h12’00




Il s’agit de l’une des dernières séquences du film.


Question 16.

Quels thèmes déjà évoqués par vos précédentes réponses se retrouvent dans cette séquence ?

 

Question 17.

En quoi Zazie se distingue-t-elle cette fois du reste des personnages ? Comparez leur allure et leurs trajectoires. En quoi cela semble-t-il annoncer la dernière phrase du livre ?

 

CONCLUSION :

Question 18.

        Composez une conclusion en quelques paragraphes : que nous révèle l’étude de ces trois extraits, dans le cadre d’un étude sur l’espace et le mouvement dans Zazie. Concluez en répondant à cette question : « Zazie dans le métro : Iliade ou odyssée ? ». Soyez précis dans vos réponses. Citez le livre, citez le film (en situant bien les extraits, voire en les minutant).

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