Introduction T. Gilliam a élaboré Brazil (1984) avec les scénaristes T. Stoppard et Ch. McKeown mais a fait participer pleinement toute l’équipe du film pour donner à son travail un caractère organique avec la volonté de remplir l’image d’éléments qui ne se découvrent qu’après plusieurs visionnages. Chaque objet, élément des décors, symbole, a une vie propre et « agit » en tant que tel dans le film ; c’est une manière de souligner le rapport de l’homme vis-à-vis de son environnement matériel. Plus sceptique que cynique, Gilliam, malgré les tonalités pessimistes de son film, veut conserver une lueur d’espoir : Brazil se développe comme s’il était le rêve de Gilliam mis en images. La surabondance des métaphores incite le spectateur à développer ses propres interprétations. Le système étatique n’est pas personnifié, mais symbolisé par la tuyauterie qui représente le lien ombilical qui le relie à chaque citoyen, ainsi que par l’absurde d’une urbanisation invasive.Volontairement, Gilliam met l’accent sur la part de responsabilité de chacun dans le fonctionnement de la société ; ainsi, lorsque Sam ôte le masque du samouraï qu’il vient de tuer, il découvre son propre visage. L’époque du récit est également difficilement identifiable, comme si tout le XXe siècle avait été condensé dans un présent éternel... Aux paysages de villes futuristes se mêle une esthétique empruntant à l’art nouveau du début du XXe siècle (le restaurant et l’appartement de la mère de Sam), aux uniformes nazis ou à l’ère industrielle et moderniste, le tout formant un univers kitsch et indéterminé conforme au ton onirique du film. PRÉSENTATION ET ÉTUDE DES INFLUENCES DU FILM DU FILM BRAZIL, de Terry Gilliam (1984) Présentation Tragicomédie onirique, Brazil s’inscrit dans la lignée des œuvres de science-fiction dénonçant les travers du totalitarisme et de l’aliénation dans la société moderne. Dans une surabondance de symboles issus du rêve éveillé de son réalisateur, Brazil balance constamment entre réalité et fiction, espoir et résignation, et met en lumière la responsabilité de l’homme dans son combat pour la liberté. Réalisation Seul américain du groupe d’humoristes anglais des Monty Python, Gilliam cultive un goût pour l’absurde et la mise en abîme comme regard sur le quotidien. Esthétique loufoque, traitement anti-conventionnel du scénario, imagination délirante, il laisse au spectateur la libre interprétation de son univers métaphorique. Regardez par exemple le sketch de 15 minutes introduisant le Sens de la vie (film réalisé par Terry Jones, un autre membre des Monty Pythons). Ce sketch, qui s'intitule "the Crimson permanent insurance", est réalisé par Terry Gilliam un an avant Brazil, en 1983. On peut voir ce sketch comme une sorte de premier essai, allant mener à Brazil. Terry Gilliam a commencé comme dessinateur. Très vite, il a rejoint la troupe des Monty Pythons, et leur préparait des dessins animés au style très personnel, pour les insérer au milieu de leurs sketches. Enfin, pour le plaisir, regardez cet hilarant sketch des Monty Pythons, très caractéristique de leur humour absurde : Plus tard, il a réalisé d'autres films comme l'Armée des douze singes (1996) : ...ou l'incroyable film intitulé les Aventures du baron de Münchausen (1988), dans lequel on retrouve l'acteur Jonathan Pryce, le Sam Lowry de Brazil : Synopsis Sam Lowry est un employé banal au Ministère de l’Information d’une société totalitaire. Il s’évade de son quotidien standardisé dans des rêves qui résolvent ses frustrations et réalisent ses fantasmes de liberté et d’amour idéal. Du conformisme, il va basculer dans la lutte contre le système qui l’oppresse... Thèmes Identité, altérité, racisme / médias / idéologies et croyances religieuses / amour / vie en société et conditions socio- économiques / poésie, fantasmagorie. CONTEXTES Contexte artistique Inscrit dans son époque et souvent visionnaire, l’art du siècle passé s’est parfois nourri des travers du totalitarisme étatique pour développer, notamment par la S-F (science-fiction), un courant contestataire dans : - la littérature, au travers de romans comme Nous autres d’E. Zamiatine, Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, ou 1984 de G. Orwell, dont un film a été tiré, par Michael Radford, en 1984 (!!!): Brazil rappelle aussi Le procès de Franz Kafka (1925), roman dans lequel un homme, K, est accusé et condamné sans qu'il sache pourquoi, dans une société régie par une bureaucratie folle. Le Procès est une référence explicite de Brazil dans sa mise en scène d’une bureaucratie obscure, absurde et aberrante (ce sont bien les nuances que prétend englober le mot passé dans le langage courant de « kafkaïen ») dans laquelle l’homme ne peut que se perdre (la disparition de Harry Tuttle sous la paperasserie, à la fin de Brazil, en est une illustration parmi d’autres). Une adaptation du Procès fut réalisée par l'un des plus grands cinéastes de tous les temps, Orson Welles, en 1962 : - le cinéma : Metropolis de Fritz Lang (1927) reste un des premiers exemples illustres d’une société futuriste où l’être humain subit les tensions causées par les progrès technologiques et la division du travail. Gilliam nous raconte donc le parcours d’un membre de la société - on n’oserait utiliser le terme « citoyen » - lequel peu à peu, prend conscience de son environnement et se retrouve en situation de rébellion. L'esthétique de la ville de Metropolis a largement influencé Terry Gilliam : Dans une tonalité plus burlesque, Jacques Tati, dans Mon oncle (1958), tourne en dérision les gadgets modernes et leurs dérèglements incontrôlables. L’esthétique de Gilliam est influencée notamment par celle des films noirs comme The Big Sleep (1946) avec Humphrey Bogart en pardessus et chapeau, par des touches japonisantes (samouraï - rêve de Sam) et des néons colorés rappelant le presque contemporain Blade Runner, lequel s'inspire lui aussi de Metropolis. Questions : 1. Quelle continuité voyez-vous entre les différentes oeuvres de Terry Gilliam ? Qu'est-ce qui fait son style ? Son univers personnel ? Pensez à tout : couleurs, rythme, ton, cadrage (gros plans, plans larges...), thèmes. Vous avez tout à fait le droit de faire des recherches sur le Net. Répondez dans un document Google Drive. 2. Quelles ont été les influences littéraires et cinématographiques de Gilliam pour ce film ? Quels aspects du film semblent inspirés par ces oeuvres ? Ne vous contentez pas des documents que j'ai mis en ligne : poursuivez les recherches par vous-mêmes, notamment sur les livres dont je vous parle, plus haut (1984, le Meilleur des mondes, le Procès, Kafka en général). RÉACTIONS POST-VISIONNAGE Rappelez-vous bien le débat qui a suivi le visionnage du film, et répondez aux questions suivantes, sur une feuille, que vous rangerez dans votre cahier de français. Il portait notamment sur l'esthétique du film, très particulière, et donc en rupture avec tous les films que vous avez vus avant. Vous avez ainsi évoqué : - l'esthétique du film : - qu'avez-vous à dire sur l'utilisation des couleurs ? - sur le rythme du film ? - les cadrages ? Les plans sont très souvent saturés de personnages, d'objets... - le genre du film : - s'agit-il de science-fiction ? Ou de politique-fiction ? (le monde de Brazil serait une sorte d'Angleterre qui aurait perdu la guerre contre le nazisme ou qui aurait été rongée par la dictature soviétique : les monuments très staliniens, les uniformes presque nazis... Ce film serait une dystopie, c'est-à-dire une utopie à l'envers. Une utopie désigne un pays fictif idéal ; une dystopie désigne un pays fictif de cauchemar). - Quels sont les éléments futuristes ? Les éléments évoquant le passé ? En quoi peut-on parler, pour ce film, de rétrofuturisme ? En quoi ce terme semble-t-il contradictoire ? - De quels autres genres ce film peut-il relever ? Comédie ? Horreur ? Policier ? Espionnage ? Histoire d'amour ? Fantastique ? - la symbolique : - que symbolisent tous ces tuyaux qui saturent l'univers du film ? - que symbolise le samouraï géant, dans les rêves de Sam ? - quels sont les symboles peuplant, en général, les rêves de Sam ? À partir de vos propres réponses, et du dossier que je propose ci-dessous, que vous devrez compléter par vos recherches, préparez votre exposé sur Brazil de Terry Gilliam, en n'oubliant jamais la problématique : "Arts, ruptures, continuités". |
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