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théâtre et révolte : présentation du cours, textes et problématisation

LE PERSONNAGE RÉVOLTÉ AU THÉÂTRE.


Conflit et révolte

Le conflit en tant que thème ou ressort dramatique a souvent été étudié. On a coutume de dire que le moteur du théâtre, tragique ou comique, est, justement, le conflit : le théâtre repose sur une action (drama), et le protagoniste contient dans sa racine « agôn », l’idée du combat. Quelle que soit l’époque, le théâtre met en scène des affrontements.

Le conflit se définit comme la rencontre de deux volontés opposées. La révolte a un sens plus restreint : elle est une réaction indignée, souvent violente, personnelle ou collective, contre une autorité, une contrainte. Dans l’idée de révolte, on trouve l’idée du combat naissant de l’individu soumis, contre l’autorité qui le tient sous son joug.

D’un point de vue dramatique, la révolte interroge le spectateur plus clairement, plus violemment, plus « cruellement » que le simple conflit. Le spectateur, avec parfois avec lui le personnage, se pose la question de la légitimité morale de la révolte du protagoniste. Le personnage révolté ne l’est pas nécessairement pour de bonnes raisons, il n’est pas nécessairement sympathique. L’identification au personnage, principal moteur dramatique, est parfois mise à mal (Médée, ou Alceste, monstre d’orgueil, ou, d’une certaine manière, Antigone).

Le théâtre est le lieu privilégié de l’expression de la révolte. Pourquoi ?

-       la proximité physique des spectateurs et des acteurs. Pas de distanciation, pas la même relation que celle d’un romancier et de son lectorat. La révolte d’un auteur (Molière, par exemple, est facilitée).

-       Le théâtre est un art vivant et, pour le spectateur, immersif. Le spectateur est sommé de réagir. C’est un art de l’éphémère, souvent imprévisible, ce qui a causé maints scandales, comme la première d’Ubu roi, ou celle de Tartuffe, puis de Dom Juan. Il n’est pas complètement censurable, car ce qui est prononcé sur scène peut se différencier de ce qui a été écrit. La scène peut se transformer en véritable tribune.

-       Dans l’antiquité, on comptait sur le chœur pour commenter, ou parfois s’offusquer des actions des personnages. Le chœur  représente la bonne foi et le bon sens du peuple. Il se révolte à sa place aux actions de Médée.  

-       Le théâtre est depuis toujours un genre très codé. Le théâtre classique (XVIIe) l’est particulièrement, et l’est resté jusque très tard. Il faut attendre le XIXe siècle pour que le théâtre se révolte contre lui-même (d’abord avec Hugo, préface de Cromwell, puis Jarry, Ubu roi, puis Artaud au XXe).

 

 

Dramaturges révoltés

Directeur de troupe, auteur, metteur en scène et comédien tout à la fois, Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière commence à connaître un grand succès avec  les Précieuses ridicules en 1659 et l'École des Femmes, en 1662 ; mais dès ce moment il se heurte au clan dévot, mené par de grands personnages de la cour et par la Reine-mère, Marie de Médicis, qui l'accusent d'irrespect à l'égard du mariage, donc de la religion.

Se croyant fort de la protection du Roi Louis XIV, Molière contre-attaque par une comédie féroce contre l'hypocrisie, le Tartuffe ; la cabale des dévots l'accuse alors d'athéisme, une accusation très grave pouvant mettre sa vie en danger, et fait interdire Tartuffe.

Molière écrit alors, à partir d'août 1664, Dom Juan, destiné à remplacer Tartuffe à l'affiche : courageusement, il y reprend l'attaque contre l'hypocrisie ; Dom Juan fera à son tour l'objet d'une violente attaque des dévots La pièce, créée le 15 février 1665, connaît un vif succès et sera représentée 15 fois jusqu'au 20 mars. Mais Molière ne la fait pas imprimer, et elle ne sera plus représentée de son vivant.

Molière sera désormais plus prudent pour les pièces suivantes : la faveur du Roi est inconstante. Le Misanthrope, qui date de 1666, témoigne de son amertume.

Molière écrit donc ses pièces en fonction des combats. Son théâtre peut être réactif (ce n’est pas toujours le cas, loin de là, mais ça l’est pour Tartuffe, Dom Juan et le Misanthrope ou la Critique de l’École des Femmes, écrite pour répondre à ceux qui ont critiqué l’Ecole des femmes, de… Molière !). Pour Molière, le théâtre est donc un moyen d’exprimer sa révolte contre une société entièrement régie par l’hypocrisie et la fausse dévotion, mais aussi contre la médecine, qui malgré ses prétentions n’est jamais parvenue à le guérir de son affection pulmonaire.

De Rhinocéros Ionesco dit lui-même que “le propos de la pièce a bien été de décrire le processus de nazification d'un pays ainsi que le désarroi de celui qui, naturellement allergique à la contagion, assiste à la métamorphose mentale de la collectivité.”[1] (Notes et contrenotes). Ionesco a été marqué par ce phénomène quand il était en Roumanie, d’où il est originaire.

Voir, encore, un excellent article sur l’excellent site Magister, au sujet du personnage de Dom Juan : http://www.site-magister.com/prepas/page12b.htm

 


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