Il vous restera à composer l'introduction et la conclusion.
PLAN POUR UNE LECTURE ANALYTIQUE DU « SERPENT QUI DANSE »
I. Eloge d'une femme aimée qui invite à la rêverie A. un discours amoureux 1. L'énonciation (qui
parle à qui) : un « tu » (JD) omniprésent, un « je »
qui apparaît au début et à la fin (le temps d’être dévoré par la rêverie) - phrase exclamative ouvrant le poème (v.1) : extase, admiration - lexique affectif : « chère » (v.1), adverbe d’intensité « si » associé à la beauté. è déclaration d’amour
1. L'importance du champ lexical du corps Structure du poème : è
le poème s’apparente à une sorte de blason multiple 2. La lascivité du corps féminin
- vers 1 « chère indolente » : la femme pose lascivement au début du pm. - puis strophe 5 : « à te voir marcher en cadence ». Elle s’est levée pour entamer une sorte de danse séductrice, « en cadence », c’est-à-dire régulièrement rythmée. Impression d’ondulation renforcée par l'hétérométrie du poème qui alterne octosyllabes et pentasyllabes. Le poème lui-même, sa mise en page, semble représenter ce mouvement ondulatoire, un peu à la manière d’un calligramme : le pm est, à proprement parler, à l’image de ce qu’il décrit. - idée reprise et développée au vers 25 : « et ton corps se penche et s’allonge ». L’idée d’ondulation et d’allongement (comme le poème lui-même), évoque le serpent du titre. è danse enchanteresse d’une femme associée au serpent,
au péché de chair, à la luxure qui étrangement provoque davantage l’extase
spirituelle que l’extase charnelle. La danse de Jeanne hypnotise le poète. 1. Un rêve exotique En effet, comme dans « la Chevelure » ou « parfum exotique », le corps féminin engendre une rêverie exotique. Rappelons : JD est métisse, elle lui rappelle ces femmes noires qu’il a admirées dans sa jeunesse (CF « A une dame créole » par ex). Le pm est ponctué par des comparaisons animalières : « le serpent », et surtout « l’éléphant » (v.24). Cette rêverie naît de
l’abondance des sensations. Tout commence par la vue au v.1 (que j’aime
voir ». Puis comme dans « Parfum exo », l’odorat participe à la
naissance de cette rêverie : « âcres parfums » (v.6) de la
« chevelure ». Notons l’association oxymorique des mots
« âcres » (connotation péjorative, odeur forte et agressive) et
« parfum » : ce qui charme Baudelaire, c’est justement l’odeur
forte, naturelle de la chevelure. Enfin, tous les sens sont sollicités :
goût (« vin de bohême »), ouïe (« glacier grondant »).
Curieusement, le sens du toucher n’est pas représenté, alors qu’il s’agit d’une
danse séductrice… 2. Le voyage du poète Métaphore filée du voyage en mer : la femme est effectivement une « Invitation au voyage » vers une destination inconnue (« Anywhere out of the world » est aussi un titre de pm de CB, en prose). La métaphore commence au v.7 : le comparé est la « chevelure » (« mer odorante et vagabonde »), sur laquelle voyage l’âme du poète, comparée à un « navire » : totale identité de l’âme et de l’embarcation, qui se substituent l’une à l’autre, sémantiquement : « un navire qui s’éveille » / « mon âme rêveuse appareille » (v.9 et 11). Plus tard, la femme semble elle-même nager dans la mer de sa chevelure, lui permettant de rejoindre de poète dans son errance : « ton corps (…) s’allonge comme un fin vaisseau » (v.25-26). Plus
qu’a la mer, c’est à l’élément liquide sous toutes ses formes qu’est associée
la femme : strophe 8, la fonte des eaux. Le voyage se fait périlleux, la
puissance du désir atteint celle des éléments déchaînés : « un flot
grossi par la fonte des glaciers grondants ». Allitérations des sons
gutturaux [gr], mêlée à celle des fricatives [f] et [s], évoquant l’écoulement
liquide, et à l’assonance des sons étouffés ([o] et nasales « on » et
« an »). II. Un poème érotique sur le désir et la frustration. A. La progression érotique du poème 1. Le rapprochement physique entre Jeanne et le poète On note une progression entre le
début et la fin du poème. Dans la strophe 1, il y a une distance physique. Le
premier signe de l'érotisme est dans la nudité de Jeanne, sous entendu dans la
« peau miroite ». 2. De nombreux sous-entendus sexuels Il y a une autre lecture
possible et ce grâce au décryptage des sous-entendus : l'expression
« chevelure profonde » peut faire référence à l'intimité féminine, le
bâton dans sa verticalité peut faire référence aux désirs du poète, il n'est
pas impossible que la strophe 6 contienne une référence sexuelle avec « la
tête qui balance », « ses vergues dans l'eau » proximité sonore
avec le mot verge. Quant à la dernière strophe, elle consacre l'union des
amants, on est là dans un orgasme marqué par l'exclamation et l'expression
« ciel liquide », et le mot étoile montre que le poète atteint le
septième ciel. B. Jeanne, une femme
marquée par l'ambivalence, provoque à la fois le désir et la frustration. 1. Suscite le désir : le poète « vainqueur » Jeanne est double, elle est à la fois passive et active. Passive lorsqu'elle s'allonge, « indolente », et active lorsqu'elle marche en cadence. Sa danse provoque la transe du poète, et son extase spirituelle (comme on vient de le voir) Elle est femme et enfant : femme
car elle est a l'aise dans sa sensualité, provocante, et enfant au vers 24
(« tête d'enfant ») : est-ce là ce qui excite le poète ?
Baudelaire n’est pas étranger à un certain sadisme : désir de détruire la
pureté, la beauté, l’innocence (Cf : « A celle qui est trop
gaie ». Cette réunion des contraires : source de toute la poétique de
Baudelaire, qui allie les « fleurs » au « mal ». 2. génère la frustration : le poète « amer » Jeanne se donne sans se donner : elle donne son corps mais conserve le secret de son âme : «Ses yeux où rien ne se révèle», v.13. Strophe 4, les antithèses « doux/amer », « or/fer » soulignent à nouveau les ambivalences de Jeanne, comme l’annonçait son « âcre parfum » : elle mêle le noble et l’ignoble. Surtout,
« or/fer » : métaux : durs, froids (comme une âme peut
l’être). Même la sensualité de son baiser est froide (comme un corps de
serpent, animal à sang froid !) : l’eau de sa bouche = « fonte
d’un glacier grondant ». Ce baiser arrive à la fin de la scène de
séduction, comme une sorte de « douche froide », de déception, de
frustration. C’est ce qui expliquerait pourquoi le poète se sent à la fois
« amer et vainqueur » à la fin du poème : vainqueur, car il
possède le corps de la femme, « amer » car il n’en possède que cela.
Privé de l’essentiel : son âme. On peut parler d'ivresse
amoureuse : ivresse, sensation de béatitude artificielle, qui dissimule
une perte de soi néfaste. Le poète est sous le charme de cette femme
ambivalente mais il devient dépendant d'elle. Sa salive est assimilée à
« un vin de bohème ». Il y a donc l'idée d'une drogue transmise par
le baiser de Jeanne, comme dans « A celle qui est trop gaie » :
« t’infuser mon venin, ma sœur » : Baudelaire fait subir le même sort à Mme Sabatier, comme
par vengeance envers la Femme, les femmes, que représente cette sorte de femme
originelle, Jeanne Duval.
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