Autres réponses très intéressantes : Louise : Selon moi, le rapport entretenu par l'art moderne ou contemporain avec le beau et le laid est très subjectif. Je dirais qu'avec le temps, les opinions des artistes sont devenues de plus en plus importantes dans leurs oeuvres, et qu'ils peuvent librement laisser cours à leur imagination, sans ce préoccuper des "qu'en dira-t-on". Ainsi, ceci favorise, je pense, le choix de thèmes et sujets plus ordinaires, plus simples et denués de sens "artistique" à proprement parler, comme fait l'artiste Robert Gober qui prend des éviers comme source d'inspiration. De cette façon, nous nous éloignons de la notion de beauté elle-même. Les artistes peuvent donc choisir n'importe quel objet, mêmes si celui-ci n'a aucune connotation artistique, comme centre de leurs oeuvres, et ils ne vont même pas se demander si ceux-ci sont beaux ou pas. À partir de là, l'opinion se divise: certains pensent que tout au cours de la réalisation de leurs oeuvres, les artistes ne pensent pas du tout à la beauté, et donc n'y trouve aucune trace de beauté lorsque celles-ci sont finies. De mon côté, je pense que tout artiste, comme tout être humain en fait, cherche la beauté quelque part, mais que, de plus en plus, cette beauté est vue de différentes manières. Par exemple, peut-être que l'artiste Yue Minjun juge ses tableaux beaux car il aime le visage jovial de ces personnages qui lui font penser au bonheur, et donc à la beauté? Ou peut-être que Robert Gober trouve ses oeuvres d'une ressemblance frappante avec la réalité, et que c'est cela qui les rend belles pour lui, qu'elles sont comme un reflet de la vie quotidienne? De plus, il serait intéressant d'ajouter que ce même "dilemme"-là se pose beaucoup au sujet de l'art moderne du XXIeme siècle, certains jugeant les oeuvres trop absurdes, incompréhensibles ou sans sens, et avec une absence totale de Beauté pour être considérer de l'art... Nous pouvons donc en conclure que tout ceci dépend de la notion qu'à chacun de la beauté et de l'art, qui peuvent difficilement être universelles. À la moitié du XIXeme siècle, Victor Hugo déclara dans Cromwell: « Le beau n'a qu'un type; le laid en a mille ». Selon lui, la source de la poésie, que l'on étend à l'art en général, se trouve dans le réel, ce qui l'emmène à penser à deux extrémités qui, unies malgré leur opposition, rendent possible la poésie. Ces deux extrémités sont « le sublime et le grotesque ». Pour lui, le laid est supérieur au beau car c'est le contact du difforme qui donne aux modernes quelque chose de plus pur, de plus grand , de plus sublime. Au contraire, le beau est simple et le laid s'harmonise, est un grand ensemble, il représente des aspects nouveaux mais incomplets. Personnellement, je dirais que ces idées sont toujours d'actualité, et je dirais même qu'elles le seront peut-être toujours... Mais sachant que l'art peut évoluer vers des chemins si différents les uns des autres nous ne pourrions le savoir jamais vraiment. Je pense que si l'on accepte la thèse de Victor Hugo dès le début, nous pouvons l'utiliser pour prouver son authenticité: le fait que l'art existe depuis d'innombrables années, et le fait que celui-ci continuera à exister. En effet donc, la beauté serait "en voie de disparition" s'il n'y avait pas eu la laideur pour la compléter. Fernando : Aujourd'hui, l'art est devenu plus ouvert, permissif. De nombreuses oeuvres sont considérées comme de l'art, sans prendre compte de leurs différences. Pourtant, certains auteurs préfèrent traiter des thèmes concrets, dont un est la laideur. Ce thème, présent depuis que l'on songe à la perfection et à la beauté, a été critiqué par beaucoup et défendu par d'autres au cours des temps. Dans l'art moderne ou contemporain, la laideur est admise: elle existe, et donc pourquoi en pas la représenter? (ce qui affirmerait la thèse d'Aristote). De plus, les artistes d'aujourd'hui tendent à nous montrer la laideur pour nous rappeler ce que c'est la beauté (comme le disait Marc Aurèle) et que beauté et laideur en sont pas forcément séparés: dans oeuvre “The virgin mother” de Damien Hirst, on a une parfaite perspective de la beauté et la laideur du corps humain d'une femme enceinte. Ensuite, le laid aujourd'hui peut avoir tendance à être considéré comme intéressant et admissible seulement par le fait qu'il ait une relation avec l'humain ou l'Homme, comme l'avait d'ailleurs dit Saint Augustin. Des oeuvres comme “The frightful musicians” de James Ensor montrent la laideur naturelle (de la nature, des animaux) qui devient plus effroyable car elle tente de s'approcher des habitudes humaines (les animaux sont habillés comme des musiciens et sont censés jouer de la musique). Cependant, cette combinaison de laid et horreur n'est pas considérée comme tabou. Elle est même représentée par la curiosité qu'elle inspire, l'intérêt humain de voir nos propres habitudes prises par un autre être. Par contre, les artistes contemporains ne pensent pas que la laideur doit exister car c'est une création de Dieu (à différence du Moyen-Âge) mais elle est quand-même considérée comme digne de traiter voire même belle car elle fait preuve d'harmonie avec son entourage et avec ses mesures, ses formes et son ordre (et donc reprend les idées exprimées par Saint Augustin): dans la photographie de Cindy Sherman montre la beauté d'être une femme laide. De plus, certains artistes transforment la beauté en laideur pour montrer qu'elle n'est pas forcément inférieure à la beauté: Fernando Botero reprend un des plus beaux portraits jamais faits (la Joconde de Léonard De Vinci) et décida de le reproduire en faisant une “Mona Lisa” obèse, signe de laideur dans la société. Le résultat n'est pas décevant. Il est même agréable à voir, malgré sa laideur apparente. Pour Victor Hugo, le laid est plus intéressant que le beau car “le beau n'a qu'un type, le laid en a mille”. Cette préférence à cause de la variété perdure toujours: les artistes cherchent l'inspiration artistique dans les animaux, la religion (“Fallen angel” de Jean-Michel Basquiat) et surtout dans l'Homme et dans ses défauts. La variété de la laideur en fait donc un thème très récurrent aujourd'hui. De plus, Victor Hugo dit aussi que la source d'inspiration se trouve dans le réel, qui unit les deux extrémités: “le sublime et le grotesque”. Aujourd'hui on considère aussi le laid comme réel (et comme au Moyen-Âge) et donc digne d'être représenté. Ensuite, certains auteurs considèrent aussi que le réel est composé du “sublime” et du “grotesque”: voir l'oeuvre de Damien Hirst et celle de Cindy Sherman (la femme est laide mais son sourire la rend belle à sa façon). Finalement, le poète romantique affirme que le laid est associé à la création de l'Homme et crée “le difforme et l'horrible” et “le comique et le bouffon”. Ce concept est lui aussi maintenu aujourd'hui car il est possible de retrouver certaines oeuvres comme “The frightful musicians” de James Ensor ou “Fallen angel” de Jean-Michel Basquiat qui montrent des personnages à caractères humains rendus effroyables et à la fois comiques. Donc en général, les idées de Victor Hugo sont encore d'actualité. |
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