Quatre poèmes, par trois auteurs contemporains - ou presque - à
Baudelaire, évoque des avatars de Lilith (l’un des sonnets de Lorrain se
nomme même "Lilithe"). Notez que, par le plus grand des hasard, cette année est tombé au bac un corpus sur les femmes ensorceleuses dont je propose un corrigé ici. Les candidats ont dû travailler sur le poème "Mélusine" de Jean Lorrain (voir ci-dessous). Le sujet de cette épreuve se trouve en pièce jointe, tout en bas de cette page. « Ekhidna », de Leconte de Lisle ![]() Kallirhoé conçut dans l'ombre, au fond d'un antre, À l'époque où les rois Ouranides sont nés, Ekhidna, moitié nymphe aux yeux illuminés, Moitié reptile énorme écaillé sous le ventre. Khrysaor engendra ce monstre horrible et beau, Mère de Kerbéros aux cinquante mâchoires, Qui, toujours plein de faim, le long des ondes noires. Hurle contre les morts qui n'ont point de tombeau. Et la vieille Gaia, cette source des choses, Aux gorges d'Arimos lui fit un vaste abri, Une caverne sombre avec un seuil fleuri ; Et c'est là qu'habitait la Nymphe aux lèvres roses. Tant que la flamme auguste enveloppait les bois, Les sommets, les vallons, les villes bien peuplées, Et les fleuves divins et les ondes salées, Elle ne quittait point l'antre aux âpres parois Mais dès qu'Hermès volait les flamboyantes vaches Du fils d'Hypérion baigné des flots profonds, Ekhidna, sur le seuil ouvert au flanc des monts, S'avançait, dérobant sa croupe aux mille taches. De l'épaule de marbre au sein nu, ferme et blanc, Tiède et souple abondait sa chevelure brune ; Et son visage clair luisait comme la lune, Et ses lèvres vibraient d'un rire étincelant. Elle chantait : la nuit s'emplissait d'harmonies ; Les grands lions errants rugissaient de plaisir; Les hommes accouraient sous le fouet du désir, Tels que des meurtriers devant les Érinnyes : - Moi, l'illustre Ekhidna, fille de Khrysaor, jeune et vierge, je vous convie, ô jeunes hommes, Car ma joue a l'éclat pourpré des belles pommes, Et dans mes noirs cheveux nagent des lueurs d'or. Heureux qui j'aimerai, mais plus heureux qui m'aime ! Jamais l'amer souci ne brûlera son coeur ; Et je l'abreuverai de l'ardente liqueur Qui fait l'homme semblable au Kronide lui-même. Bienheureux celui-là parmi tous les vivants ! L'incorruptible sang coulera dans ses veines ; Il se réveillera sur les cimes sereines Où sont les Dieux, plus haut que la neige et les vents. Et je l'inonderai de voluptés sans nombre, Vives comme un éclair qui durerait toujours ! Dans un baiser sans fin je bercerai ses jours Et mes yeux de ses nuits feront resplendir l'ombre. - Elle chantait ainsi, sûre de sa beauté, L'implacable Déesse aux splendides prunelles, Tandis que du grand sein les formes immortelles Cachaient le seuil étroit du gouffre ensanglanté. Comme le tourbillon nocturne des phalènes Qu'attire la couleur éclatante du feu, Ils lui criaient : Je t'aime, et je veux être un Dieu ! Et tous l'enveloppaient de leurs chaudes haleines. Mais ceux qu'elle enchaînait de ses bras amoureux, Nul n'en dira jamais la foule disparue. Le Monstre aux yeux charmants dévorait leur chair crue, Et le temps polissait leurs os dans l'antre creux. Leconte de Lisle, Poèmes barbares, 1862 Pour en savoir plus sur le personnage mythologique d'Echidna (ou Ekhidna, pour Leconte de Lisle), cliquez ici.
"Lilithe", de Jean Lorrain Au-dessus des pics noirs et des rouges abîmes, Fantôme errant et blême exhalé par l'enfer, Une femme, l'œil vide et le profil amer, Les pieds raidis et froids, va rôdant par les cimes,
Calme, attentive au râle étranglé des victimes, Au fond du gouffre en feu roulant comme une mer, Elle incline son crâne, où saigne un clou de fer, Et vers les mornes ciels dressant ses bras sublimes:
« Dieu, je bénis mon crime et ma stérilité, Moi qui, prédestinée à peupler la Géhenne Du sang de mon amour et des feux de ta haine, Ai préféré Satan à cette impiété!
Je n'ai damné que moi, moi, la femme maudite, Ève a damné ses fils, l'Homme absoudra Lilithe ! »
J. Lorrain, L'Ombre ardente, Paris, Fasquelle, 1897, poème XXXII.
« Mélusine »,
de Jean Lorrain (une proposition de commentaire est disponible ici) Les bras nus cerclés d'or et froissant le brocart Pour en savoir plus sur Mélusine, cliquez ici. « Hérodiade », de Théodore de Banville «Car elle était vraiment
princesse : Ses
yeux sont transparents comme l'eau du Jourdain. Théodore de Banville (amant de Marie Daubrun et ami de Baudelaire...), les Princesses, 1874.
Pour en savoir plus sur Salomé, la princesse qu'évoque Banville, cliquez ici. Puis observez attentivement le tableau de Gustave Moreau, peintre contemporain de Baudelaire, et rendez-vous sur cette page, issue du site du musée d'Orsay : |
brouillon > Épreuve orale 2012-2013 > Séquence 1 - les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire > lectures complémentaires : partie "entretien" de l'épreuve orale" >